Discriminations : mais qu’en est-il vraiment ?
L’histoire de la drépanocytose, dates à retenir

  • La première description moderne de la drépanocytose remonte peut-être à 1846 avec la publication aux États-Unis de l’autopsie d’un esclave fugitif dépourvu de rate.
    Des cas d’esclaves montrant une résistance au paludisme et ayant tendance aux ulcères de la jambe ont également été décrits.
  • En 1874, un médecin africain de l’armée britannique originaire de Freetown, « James Beale » Africanus Horton, décrivit une rhumatic fever, équivalent clinique de la drépanocytose, correspondant aujourd’hui à une crise vaso-occlusive osseuse, mais ce travail passa inaperçu.
  • Les caractéristiques anormales des globules rouges ont été décrites pour la première fois en 1910 par Ernest Irons et James Herrick à partir du cas de Walter Clement Noel, un étudiant en odontologie d’une vingtaine d’années originaire de la Grenade, dans les Antilles : ce patient était traité à Chicago pour une anémie depuis 1904, puis pour des « rhumatismes musculaires » et des « attaques biliaires », avant de mourir d’une pneumonie à Saint-Georges en 1916. Ce patient souffrait de toux, de fièvre, de vertiges, de maux de tête et d’un état de faiblesse, et ressentait des palpitations et un essoufflement, comme certains membres de sa famille. Son sang montrait qu’il était très anémique, le nombre de ses globules rouges n’atteignant que la moitié de la valeur normale. L’observation d’un frottis sanguin montra des globules rouges de forme inhabituelle en faucille, c’est-à-dire « falciforme » ou en feuille d’acanthe, résultat publié en novembre 1910. Quelques mois après cette publication, un autre article intitulé exactement de la même manière — Peculiar elongated and sickle-shaped red blood corpuscles in a case of severe anemia décrivit le cas d’un patient admis à l’hôpital de l’université de Virginie le 15 novembre 1910 ; la publication qu’en fit Verne Mason.
  • En 1917, Victor E. Emmel parvint à reproduire la falciformation in vitro chez certains sujets cliniquement sains, et conclut à l’existence de deux formes de la maladie.
    Par la suite, des études familiales envisagèrent l’hypothèse d’une transmission héréditaire autosomique récessive avec des formes manifestes et des formes latentes ou silencieuses.
    Les facteurs de falciformation furent précisés, dont la pression partielle d’oxygène, ainsi que la durée de vie plus courte des globules rouges falciformes.
  • En 1922 employait pour la première fois le terme « anémie falciforme » pour définir cette maladie.
  • C’est en 1933 que furent ainsi décrits la drépanocytose d’une part, et le trait drépanocytaire d’autre part, grâce aux travaux de Lemuel Diggs.
  • Il fallut attendre 1949 pour que James Neel établisse les propriétés génétiques de la maladie et l’existence d’une forme homozygote héritée de parents hétérozygotes.
  • C’est également en 1949 que les Américains Linus Pauling et Harvey Itano et al. décrivirent la solubilité anormale de l’hémoglobine S et attribuèrent ces anomalies à la molécule d’hémoglobine elle-même, la discrimination entre hémoglobine S et hémoglobine A étant réalisée par électrophorèse des protéines ; ce fut la première description de la base moléculaire d’une maladie génétique.
  • La compréhension des liens entre paludisme et drépanocytose s’affina entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, tandis que la nature précise de l’altération moléculaire conduisant à l’hémoglobine S — mutation d’un acide aminé sur la chaîne β de l’hémoglobine — fut précisée par le Britannique Vernon Ingram.
  • En 1956 et que l’affinage des techniques d’électrophorèse de l’hémoglobine permit en 1954 d’identifier d’autres hémoglobinopathies, comme celle à hémoglobine HbSC, combinant hémoglobine S et hémoglobine C. Cela démontra pour la première fois que les gènes déterminent la nature de chaque acide aminé dans une protéine.
  • En 1978, Tom Maniatis isola le gène HBB de la chaîne bêta de l’hémoglobine sur le chromosome 11.
  • En 1980, Yuet Wai Kan met au point un test génétique prénatal de la drépanocytose.
  • La preuve épidémiologique de la protection de la drépanocytose contre le paludisme à P. falciparum fut apportée en 2002, confirmant ainsi l’hypothèse de Haldane en 1949 qui s’appuyait sur des superpositions de cartes géographiques (fréquence de la drépanocytose et du paludisme). La présence des gènes de la drépanocytose peut donc s’expliquer par une pression de sélection induite par le paludisme. C’est un avantage hétérozygote contre le paludisme, mais au risque de maladie sévère dans sa forme homozygote.