PORTRAIT : ODÉLIA, EN ROUTE POUR LA BATAILLE !

Odélia

Odélia livre bataille contre la drépanocytose, depuis sa naissance.
La drépanocytose ?! Cette maladie incurable, qui lui « fait des bêtises dans son corps », « détruit ses globules rouges » et l’empêche d’aller à la piscine avec ses camarades ; cette maladie qui « l’embête », la frustre et l’empêche de vivre sa vie de petite fille…
Avec sa maman, Estelle, Odélia a fait le déplacement depuis Rouen pour nous raconter leurs 5 années de lutte contre la drépanocytose.

Ce jour-là, le soleil était au rendez-vous. Odélia a une forme olympique et a hâte qu’on lui tire le portrait ! À vrai dire, elle attendait ce moment avec impatience : hospitalisée pendant 10 jours, elle a dû reporter notre rendez-vous (à plusieurs reprises). Aujourd’hui, elle se porte bien et elle le vaut bien. D’ailleurs, elle l’a dit elle-même : « Libérée, délivrée ! Je sors de l’hôpital ! Libérée, délivrée ! C’est décidé, je m’en vais ! ».
Les nuits passées à l’hôpital, Odélia connaît. En 5 ans d’existence, elle a été hospitalisée l’équivalent de 8 mois :

« Odélia a fait beaucoup de crises durant ses 3 premières années et était hospitalisée tous les 2 mois en moyenne, souvent car elle était très anémiée. Elle était transfusée régulièrement. Durant ces 2 dernières années les crises se sont un peu espacées, elle est hospitalisée tous les 4/5 mois environ. »

Dur dur d’être un bébé et en plus, subir de telles souffrances ! Mais Odélia est très courageuse. Elle est mature pour son âge. D’ailleurs, il a toujours été très important pour sa mère, qu’elle comprenne ses maux :

« J’ai posé des mots très tôt sur ses maux, en lui donnant des explications à sa portée bien sûr et qui évoluent donc au fur et à mesure qu’elle grandit. J’essaie d’ « imager » les choses pour qu’elle comprenne et me sers de supports conçus par des associations, brochures, livres ou DVDs, ludiques et accessibles.
Vers 2 ans, elle décrivait sa maladie en disant que « c’est son sang qui fait des bêtises » ; aujourd’hui elle est capable de définir les choses de manière beaucoup plus précises et souvent avec les termes adéquats et elle comprend aussi de mieux en mieux au fil des hospitalisations et des soins qu’on lui prodigue.
Je pense qu’elle accepte sa maladie, du moins elle « fait avec »… Sa vie de drépanocytaire est faite d’interdits au quotidien et de quelques frustrations donc il n’est pas rare qu’elle exprime un certain sentiment d’injustice ou de ras-le-bol, mais je l’encourage à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, à positiver et relativiser, et je pense qu’elle comprend et accepte malgré les difficultés qu’elle a et aura sûrement à surmonter. »
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Odélia tient son courage d’Estelle. Cette mère célibataire de 31 ans élève seule ses 3 enfants et jongle avec son métier d’assistante dans un cabinet d’expertise comptable. Et forcément, quand la drépanocytose refait surface, il est difficile de joindre les deux bouts.
Estelle est d’origine franco-congolaise (Brazzaville). Avant la naissance de sa petite fille, elle savait qu’elle était porteuse et donc qu’elle pouvait transmettre le gène anormal S à sa progéniture.

« J’ai appris que j’étais porteuse lors de ma première grossesse. J’ai été dépistée lors de mon 5ème mois de grossesse et j’ai appris, après la naissance de mon fils aîné, que je lui avais transmis le gène « malade » et qu’il était par conséquent porteur sain comme moi. C’est à ce moment-là que j’ai commencé un peu à me renseigner sur la drépanocytose, que je ne connaissais jusqu’alors que de nom et de manière très imprécise.
Ceci dit, je me suis contentée de n’acquérir qu’une connaissance superficielle de la maladie car pour mon fils, le courrier reçu de l’hôpital m’expliquait que le fait qu’il soit porteur n’aurait aucune incidence. J’avoue ne pas m’en être préoccupée plus que ça… et puis, je pensais naïvement que cela n’arrivait qu’aux autres. Et pourtant… »

En 2010, Estelle a appris que sa benjamine était atteinte de la forme la plus grave de la drépanocytose, par un courrier du CHU :

« Pour Odélia, j’ai appris le diagnostic par un courrier du CHU qui m’informait que suite au résultat du dépistage à la maternité, un hématologue souhaitait me rencontrer. J’ai compris tout de suite de quoi il s’agissait. Et, après avoir senti le sol se dérober sous mes pieds et mon monde s’écrouler, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
S’en sont suivis l’établissement officiel du diagnostic par l’hématologue, les explications, la prise du traitement puis rapidement, les premières crises… »

Depuis l’annonce du diagnostic, la petite Odélia suit un traitement préventif quotidien :

« Le matin, elle prend de l’Oracilline en sirop, destiné à limiter les risques d’infection, un comprimé d’acide folique, une dose de vitamines ADEC, et depuis peu trois comprimés de Siklos qui est indiqué dans la prévention des crises vaso-occlusives. Elle doit également boire beaucoup d’eau toute la journée. »

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Malgré ce traitement assez lourd, Odélia a été transfusée à une dizaine de reprises depuis sa naissance et a eu 3 échanges transfusionnels, suite à des crises douloureuses.
Heureusement, elle a le soutien de Mathys (10 ans) et Lenny (7 ans), ses deux grands frères :

« Mes fils aînés ont une relation fraternelle tout à fait « normale » avec leur petite sœur ; je pense qu’ils ne la voient malade que lorsqu’elle est en crise… et c’est justement quand la maladie est plus présente, ils adoptent des comportements radicalement différents.
Mathys, mon aîné, est un frère très protecteur et attentionné ; il est sensible et émotif, et a été particulièrement affecté par les premières hospitalisations d’Odélia. En grandissant, il a appris à prendre un peu de recul mais reste toujours très inquiet pour elle. Il est curieux et s’intéresse à la drépanocytose, dont il explique le mécanisme dès lors que l’occasion se présente. Je suis sûre que Mathys sera pour Odélia un allié de choc dans son combat et une épaule sur laquelle elle pourra se reposer.
Lenny, qui a 2 ans de plus qu’Odélia, n’a pas du tout la même façon d’appréhender les choses. Il est plus insouciant et est d’autre part plus réservé quant à ses émotions… Par conséquent, lorsqu’Odélia est malade, il est égal à lui-même et que ce soit à la maison ou à l’hôpital, il se comporte avec elle de manière tout à fait ordinaire et c’est une attitude positive pour elle car ça l’aide à oublier son état et ça lui permet de s’évader un peu.
Je trouve donc que sur ce point mes fils sont complémentaires. »

Estelle garde le moral. Elle ne baisse pas les bras et a accepté la maladie de sa fille.
Selon elle, « la drépanocytose est comme un membre de la famille. Elle nous suit du matin au soir, tout d’abord à travers la prise de médicaments biquotidienne, ensuite par les précautions qu’il faut prendre pour prévenir les crises : il faut veiller à ce qu’elle boive beaucoup d’eau, que sa tenue vestimentaire soit adaptée à la température, veiller à ce qu’Odélia ne se fatigue pas trop et être attentif aux éventuels signes annonciateurs d’une crise. Tout cela peut paraître contraignant (et ça l’est) mais au fil du temps, tous ces gestes sont devenus des automatismes et sont devenus naturels et tout cela [lui] a vite paru moins lourd à porter. [Elle s’est] aussi vite rendu[e] compte qu’hormis les quelques restrictions, Odélia pouvait mener une existence tout à fait normale, et c’est ce à quoi [elle] tend malgré tout. »
Au quotidien, les difficultés auxquelles elle se heurte sont plutôt liées à la méconnaissance de la maladie. Elle a souvent l’impression d’être incomprise ; surtout, quand elle doit se justifier : « Je dois donc passer mon temps à expliquer ce qu’elle a, et même lorsque les gens sont informés, ils ont tendance à en minimiser les conséquences. »
Autre difficulté : l’organisation (surtout, lorsqu’Odélia est en crise).

« Étant mère célibataire, ce n’est pas toujours évident de devoir gérer en même temps les hospitalisations, le travail et l’emploi du temps de mes deux garçons qui est souvent chargé. J’ai toujours tenu à ce que la maladie impacte le moins possible leur quotidien, donc je m’arrange toujours pour qu’ils ne ratent pas leurs activités extrascolaires par exemple, et ce n’est pas toujours évident. Heureusement, mes proches sont là pour m’épauler, surtout ma maman qui m’aide beaucoup. »

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À l’école, les difficultés sont plus ou moins « minimes ». Au début, « ce n’était pas gagné ! ». Les instituteurs avaient connaissance de la maladie mais la plupart, ne prenait pas en considération certaines informations :

« Dès son entrée à l’école, un Projet d’Accueil Individualisé (PAI) a été mis en place pour que l’école soit informée sur l’état de santé d’Odélia et au courant des précautions à prendre. De mon côté, j’avais fourni de la documentation sur la drépanocytose au corps enseignant qui ne connaissait pas vraiment la maladie. Odélia a été fréquemment hospitalisée jusqu’à ses 4 ans donc la surveillance était vraiment de mise et je ne manquais pas de le faire savoir.
Malgré tout cela, je me suis sentie incomprise dans cette école car l’état d’Odélia n’était pas vraiment pris en considération… »

C’est donc après deux années de maternelle dans une école publique qu’Estelle a décidé d’inscrire Odélia dans une école privée, qui correspond tout à fait à ses attentes :

« Odélia bénéficie désormais d’un suivi personnalisé. On lui permet de vivre et de travailler à son rythme en lui permettant de bénéficier d’aménagements (temps de travail, sieste) et je trouve ça super ! Elle a longuement été hospitalisée récemment, sa maîtresse s’est montrée très impliquée et est venue la voir, et de ce biais, les autres parents en ont appris sur la maladie. »

Malgré les crises répétitives, Odélia s’adapte au rythme de l’école : « Elle n’est pas souvent absente, pas plus qu’un enfant en bonne santé qui souffrirait d’une gastro, d’une bronchite ou d’une grippe de temps en temps… Depuis la rentrée scolaire, hormis les rendez-vous au CHU qui l’obligent à rater l’école, elle n’a été longuement absente qu’une fois (hospitalisation de 12 jours). Et bizarrement, elle tombe souvent malade pendant les vacances donc elle ne rate pas l’école. ».

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Estelle refuse de sortir le drapeau blanc. Elle mène chaque jour, avec sa fille, une bataille contre la drépanocytose : à la maison, à l’école mais aussi, sur la Toile…
« Ma fille, ma bataille », c’est le nom de sa chronique sur le réseau social Facebook. Chaque jour, à ses heures perdues (ou dès qu’elle se sent seule), cette maman dévouée publie un post sur leur quotidien (les bons comme les mauvais moments).

« J’ai beaucoup hésité avant de créer le profil « Ma fille, ma bataille ». Il m’a fallu d’abord faire un « travail » d’acceptation de la maladie avant de décider à en parler autour de moi.
J’ai d’abord créé cette page à destination unique de mes proches, et ce tout d’abord dans le but de faire de la prévention et d’informer sur la drépanocytose et expliquer en quoi elle consistait, car j’avais remarqué que beaucoup de personnes côtoyaient Odélia sans réellement savoir et comprendre ce qu’elle avait.
Je trouvais aussi pratique le fait de pouvoir « centraliser » les informations et les nouvelles d’Odélia lorsque que ça n’allait pas, car avant d’avoir la page, chaque personne me demandait des nouvelles de son côté par sms, appels ou via mon compte Facebook perso et cela m’obligeait à répéter la même chose plusieurs fois.
De ce fait, au départ je « n’acceptais » sur ma page que les personnes que je connaissais déjà… puis petit à petit et de fil en aiguille, le cercle des lecteurs s’est élargi, j’ai reçu des demandes d’amis d’amis, puis de gens que je ne connaissais ni de près ni de loin… puis des messages et des mots de soutien et d’encouragement qui m’ont fait du bien et encouragée à continuer à écrire… et c’est à ce moment que je me suis rendue compte que ça me faisait du bien de partager mon histoire et que c’est devenu une sorte d’exécutoire.
C’est ainsi que j’ai commencé à « accepter » de plus en plus de monde sur ce profil « Ma fille, ma bataille », grâce auquel j’ai pu faire des rencontres très enrichissantes, en partageant mon histoire je donne et je reçois aussi, c’est un véritable échange. J’en apprends tous les jours sur la drépanocytose grâce au partage d’informations d’associations telles que l’APIPD qui est très active et aux différents témoignages des uns et des autres. Bref, c’est une initiative que je ne regrette pas d’avoir prise, et je pense que ça sera intéressant pour Odélia de garder une trace de l’historique de son combat, qu’elle sera touchée de voir tout l’amour et le soutien qu’elle reçoit et que ça l’aidera à se battre encore comme ça m’incite moi à le faire.
Le temps que je consacre à la page est un peu aléatoire, même si je me connecte presque tous les jours, il y a des périodes pendant lesquelles j’ai moins envie d’y penser, c’est souvent lorsqu’Odélia va bien. Par contre, lorsqu’elle est malade ou hospitalisée, j’y consacre beaucoup plus de temps, tout d’abord pour donner des nouvelles régulières et aussi parce que ça me fait du bien d’en parler et que je sais que j’y trouverais le soutien et les conseils dont j’ai besoin. »

À chaque jour suffit sa peine ! Ce compte Facebook est une sorte d’exécutoire pour Estelle. C’est un peu une arme contre la drépanocytose. Elle partage son quotidien de mère d’enfant malade avec des « inconnus », qui vivent parfois la même chose qu’elle et qui la soutiennent. Ces centaines d’« amis » témoignent de leurs encouragements en commentaires des posts publiés ou directement en messages privés et ça lui fait un grand bien.
Sans le savoir, Estelle a construit une armée de combattants avec en ligne de mire, la drépanocytose. Bien qu’elle soit célibataire, elle n’est plus seule. Au travers de cette chronique, elle rassure les parents, les encouragent à se battre et c’est réciproque !
S’entraider, se battre ensemble contre la drépanocytose et « faire en sorte que sa fille vive au mieux avec sa maladie, tant sur le plan médical que sur le plan psychologique. », telles sont les objectifs d’Estelle :

« Je tiens à ce que ma fille reste positive, qu’elle apprenne à relativiser et que malgré les difficultés, elle se concentre sur ce qu’elle peut faire au lieu de se focaliser sur ce que la maladie lui empêche d’accomplir. Car son projet à elle est, je crois, d’aspirer à vivre une vie des plus normales, sans interdits ni médicaments ni douleurs ; et de pouvoir tout faire comme ses petits copains et copines. C’est pourquoi, je veux qu’elle garde foi et espoir.
Je vais veiller à ce qu’elle soit bien entourée pour la préserver, cela passe bien évidemment par la prévention et l’information et je continuerai donc de parler de la drépanocytose à qui veut bien m’entendre ! »

Estelle ne compte pas s’arrêter là ! Lorsqu’elle aura plus de temps, elle souhaiterait s’investir plus dans la lutte contre la drépanocytose : « J’espère que nos voix se feront entendre, que la maladie sortira de l’ombre et que les moyens seront mis à disposition pour faire avancer la recherche ! »
Mais en attendant que sa petite fille grandisse, elle essaye de transmettre aux personnes touchées par la drépanocytose, le même message qu’elle essaye de transmettre à sa fille, au quotidien : « Gardez la foi, l’espoir, positivez, ne lâchez rien ! Battez-vous encore et encore ! Vous pouvez tomber mais relevez-vous… Croquez la vie à pleines dents, vivez le moment présent… Prenez soin de vous et de ceux qui en ont besoin ! Communiquez, informez les autres… La drépanocytose n’est pas une fatalité ! Tous ensemble, on va y arriver ! »

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La drépanocytose, c’est leur bataille au quotidien !

La drépanocytose, notre combat !

Crédits
Ambassadrices : Odélia et Estelle
Photos : T?M et M?T
Réalisation : Mandy F.

Un commentaire sur « Odélia, en route pour la bataille ! »

  1. Bonjour je souhaiterais si possibles avoir votre adresse mail.je me présente je m’appelle laudia je suis de Brazzaville et je suis atteint de cette maladie je voulais discuter avec vous. Merci

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